A l’occasion d’une manifestation publique en lien avec la journée de la Femme et qui s’est déroulée au palais des arts de Vannes le 8 mars 2011, Claude JAHIER représentait la Gauche Vannetaise. Ci-après, son intervention :
La journée mondiale de la Femme a 101 ans ! Un siècle de féminisme, pour quels résultats ? Où en sont les femmes 100 ans après ?
Toujours est- il que, après toutes ces années de lutte, célébrer cette journée est toujours d’actualité : « Etre féministe, comme hier ou comme demain, ça n’a pas beaucoup changé, cela demeure la lutte pour l’égalité des droits » dit Joy Sorman, écrivaine.
Certaines critiquent cette célébration en arguant du fait que la journée de la femme devrait avoir lieu 365 jours par an, mais, s’il n’y avait pas cette journée, parlerait-on des problèmes qui touchent la gent féminine ?
Que de luttes, et ce depuis bien plus de 101 ans ! Faisons un peu d’histoire, car ce sont des femmes ordinaires qui l’ont faite. Cette histoire, elle puise ses racines dans la lutte que mènent les femmes depuis des siècles pour participer à la société sur un pied d’égalité avec les hommes.
Déjà dans l’Antiquité, Lysistrata lance une grève sexuelle contre les hommes pour mettre fin à la guerre !
Dès 1791, Olympe de Gouges, (que nous allons célébrer aujourd’hui) et bien d’autres de ses concitoyennes s’insurgent contre la condition faite aux femmes et publient : « La Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne ».
En 1804, le Code Civil donne aux femmes des droits civils, mais leur refuse les droits politiques.
1893, la Nouvelle Zélande est le 1er pays à accorder le droit de vote aux femmes.
C’est le 8 mars 1910, à Copenhague, qu’une Confédération internationale de femmes socialistes de tous les pays, crée cette journée en vue de servir à la propagande du vote des femmes.
Ensuite, disons que les choses s’accélèrent un peu : 1918, ce sont les femmes allemandes et suédoises qui ont le droit de vote, suivies en 1919 par le Canada et les Pays Bas, et en 1920 par les Etats Unis. Les Françaises devront attendre 1944 pour que ce droit leur soit accordé ! La Suisse, elle, n’accordera ce droit aux femmes qu’en 1971 !!
Que dire de l’éducation et de l’instruction des filles ? Elle ne pouvait être que religieuse (si elle était), afin de faire de bonnes épouses soumises et de bonnes mères de famille dévouées ! La loi Guizot de 1833 oblige les communes de plus de 500 habitants à avoir une école de garçons… et une école de filles… pour celles qui en ont les moyens ! En 1880, la loi Camille Sée (sous l’impulsion de Jules Ferry) voit la création de lycées pour filles. Cette loi provoque des débats houleux à la Chambre des députés et au Sénat, l’église s’oppose à : « ce que l’on forme des femmes libres penseurs » !
C’est seulement en 1925, que le cursus des lycées de filles est aligné sur celui des garçons ; et encore! J’ai eu au collège, dans les années 50, des cours de cuisine et de couture, alors que les garçons avaient des heures d’atelier !
La Constitution de 1946, dans son préambule, art.3, précise : « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme».
Les déclarations sont belles, qu’en est-il dans les faits ?
Dans les années 60, date de mon mariage, la femme mariée n’avait pas le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari ! Pour les célibataires, c’était la « croix et la bannière » ! Les enfants ne pouvaient retirer de l’argent sur leur livret de Caisse d’Epargne qu’en présence de leur père (c’est du vécu), il en était de même pour les autorisations de sortie du territoire, le père avait toute puissance sur la famille. Je ne sais plus quand nous nous sommes affranchies de cette tutelle, étant devenue « une femme sans mari », il m’a fallu assurer face à cette adversité.
En 1960, je débute dans l’enseignement, ça fait 50 ans - ça peut sembler loin, mais pas tant que ça puisque je suis là pour en témoigner – donc, à l’époque, quand une institutrice entrait dans cette carrière on lui remettait un guide : « le Code Soleil ». Ce guide, comme son nom l’indique, nous donnait une conduite à suivre ; ainsi, il était interdit aux institutrices célibataires d’avoir des relations sexuelles, et aux institutrices mariées, il leur était recommandé de n’avoir des relations sexuelles que les mercredis (le jeudi étant jour de congé) et les samedis afin de garder leurs forces les autres jours de la semaine pour leurs élèves ! Il leur était également vivement conseillé de programmer leurs grossesses afin d’accoucher pendant les vacances pour ne pas perturber l’année scolaire de leurs élèves
A cette époque, encore, les femmes étaient vouées à avoir des enfants « autant que le bon dieu voulait leur en donner », (pour une laïque, c’est dur !) ou bien elles devaient avoir recours à des pratiques qui bien souvent mettaient leur vie en danger, et/ou les exposaient à des sanctions judiciaires.
En 1971, un groupe de femmes a eu le courage de dire : « je me suis fait avorter », au mépris des poursuites qu’elles pouvaient encourir : c’est le « Manifeste des 343 salopes ». Dans ce manifeste, elles demandent le libre accès aux moyens contraceptifs et l’avortement libre. C’est une nécessité vitale que les femmes récupèrent et réintègrent leur corps, elles ne veulent plus avoir honte d’être « Femme ».
En 1975, la loi sur l’avortement est votée, après de vifs débats; Simone Veil, qui a défendu cette loi avec ténacité et courage en garde de cuisants souvenirs, et des blessures indélébiles.
Reprenons notre chronologie : c’est le gouvernement socialiste qui instaure en 1982, le caractère officiel de la célébration de la journée de la Femme le 8 mars en France.
Mais où en est- on avec le droit des femmes dans la cité et en politique ?
En 1999 (cela ne fait que 12 ans) une révision constitutionnelle ajoute à l’art.3 de la constitution de 1958, le texte suivant : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives», et prévoit que « les partis doivent contribuer à la mise en œuvre de ce principe ». La loi sur la parité sera votée en 2000. Elle prévoit une alternance hommes/ femmes dans la constitution des listes, mais malgré cela, les femmes sont elles toujours dans une situation éligible ?
Que dire encore des métiers qui se féminisent et qui, se féminisant, sont considérés comme des métiers dévalorisés, des femmes qui optent pour des métiers d’homme et qui sont des « garçons manqués », du masculin qui l’emporte sur le féminin en grammaire ! Je m’arrêterai là !
Avant de passer la parole à la troupe du Manoir, et aux femmes vannetaises qui vont lire des articles de cette « Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne », je voudrais tout d’abord remercier Dominique Roger et la section du Parti socialiste de Vannes pour l’organisation de cette soirée, et lire une citation de Fanny Raoul, qui, en 1801, exhortait les hommes :
« Français, imitez ces braves et généreux gaulois dont vous descendez, ayez leur équité. Ils appelaient leurs femmes aux Assemblées Générales de la nation, et l’on ne dédaignait pas d’y recueillir leurs suffrages. Abrogez les lois barbares qui font des vôtres des Ilotes ; si vous leur refusez l’égalité de vos droits politiques, rendez- leur au moins l’existence civile… C’est alors que vous aurez un esprit public ; c’est alors que, fières du titre glorieux de citoyennes, vos femmes feront tout pour le mériter !».
Chaque année en conseil municipal, la Gauche Vannetaise demande l’adhésion de la Ville de Vannes à « la Charte Européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale ». Chaque année, le Maire s’y oppose. Nous ne nous décourageons pas et nous renouvellerons cette année encore cette demande.